« En combattant pour la Commune
Il savait que la terre est Une,
Qu’on ne doit pas la diviser,
Que la nature est une source
Et le capital une bourse
Où tous ont le droit de puiser.
Il revendique la machine
Et ne veut plus courber l’échine
Sous la vapeur en action,
Puisque l’Exploiteur à main rude
Fait instrument de servitude
De l’outil de rédemption.
Contre la classe patronale
Il fait la guerre sociale
Dont on ne verra pas la fin
Tant qu’un seul pourra, sur la sphère,
Devenir riche sans rien faire,
Tant qu’un travailleur aura faim ! »
(extrait de « l’Insurgé » de Eugène Pottier)
Notre camarade de longue date, Yves Yardin, l’Insurgé, nous a quitté·es à 68 ans, à la veille d’un déconfinement trop longtemps attendu, après un confinement imposé par un « État d’urgence sanitaire » aux relents fascisants, disait-il.
Yves est mort dans la nuit du 10 au 11 mai d’une embolie pulmonaire fulgurante dans l’ambulance qui le conduisait à l’hôpital. « Fulgurant », un des adjectifs le mieux adapté à sa pensée, à son fonctionnement, à son action.
Fulgurant, mais toujours dans la maîtrise, dans le contrôle.
Yves est venu à l’engagement politique et libertaire par le biais de l’écologie. Jeune étudiant en maths, il se passionnait pour la faune et la flore, en Bretagne, puis l’Ardèche, sa terre d’adoption. Devant le désastre écologique il a très tôt pris conscience de la responsabilité criminelle de l’économie capitaliste et du productivisme sans limite. Il a bientôt mesuré le sens de la « convergence des luttes », fort d’une grande culture d’histoire sociale et politique dont il ne faisait jamais étalage.
Prof de maths brillant, apprécié de tou·tes, il s’est très vite engagé dans l’action syndicale – mais on ne « commande » pas à l’Insurgé qui ne pouvait supporter ni autoritarisme, ni hiérarchie, ni bureaucratie et c’est tout naturellement qu’il a trouvé sa place dans la CNT puis à SUD-Solidaires à partir de 2003, où il a été trésorier et secrétaire sans jamais oublier que toute parole dans le groupe avait la même valeur.
Mais Yves n’était pas seulement prof de maths, syndicaliste. C’était un homme aux talents multiples. Y², comme il aimait parfois signer facétieusement, était aussi plombier, électricien, informaticien, élagueur… il n’y avait pas de problèmes, que des solutions avec lui.
Ses talents, il aimait les mettre au service des autres, la famille, les camarades, les collègues, les voisins, quiconque ne pouvait se dépatouiller et ne pouvait se payer des services de pros. Car la solidarité était une de ses valeurs fortes.
Ainsi, toute sa vie, il s’est impliqué dans des associations qui pouvaient paraître éclectiques : défense de la nature, anti-nucléaire, ping-pong, spéléo, « Amis de la Commune de Paris », etc… Il se disait misanthrope et croyait tellement en l’humain.
Ces dernières semaines lui ont été très pénibles, il dénonçait cette « propagande » sur la dangerosité d’un virus, dont disait-il les seuls « buts étaient politiques et économiques ». L’état d’urgence sanitaire, le « nous sommes en guerre » de Macron, ont permis de briser des droits des travailleur·ses gagnés lors de longues luttes, d’imposer des « ordonnances », des contrôles policiers, des fichages, alors qu’Yves était profondément anti-militariste, anti-flics, anti-Etat, contre ces structures ayant pour seul rôle de protéger les biens des possédants. Il pensait que les systèmes économiques capitalistes voulaient en finir une fois pour toute avec les acquis du CNR pour satisfaire les boursicoteurs et asservir les masses laborieuses.
Mais il attendait avec impatience l’effondrement général d’où pourrait enfin émerger une société nouvelle, juste, équitable, respectueuse des êtres et de l’environnement.
Son impatience fut fulgurante, nous reprenons le flambeau qu’il nous tend. Yves n’avait pas peur de la mort.
Il se préparait aux « gestes barrières »… mais pas les mêmes !
Chantons avec lui un de ses titres préférés « A las barricadas » d’ Utgé Royo !
Son corps fut incinéré le 22 mai, pensons à lui et vivons sa colère !
Voici quelques unes des chansons qu’Yves aimait le plus écouter :
« L’Insurgé » Eugène Pottier
« Sans la nommer » Moustaki
« A las barricades » Utgé Royo
« La chanson de Craonne »
« Hécatombe au marché de Brives la Gaillarde » Brassens
Portrait par David White, 2018