Vous avez sans doute entendu parler de la loi Rilhac, mais beaucoup de désinformation circule à son sujet. Jean-Michel Blanquer, mais aussi certains syndicats (dont le S2DE créé de toutes pièces par le pouvoir et soutenu par Mme Rilhac elle-même) nous accusent de démagogie ou de ne pas savoir lire les textes. A vous de vous faire votre opinion après avoir lu ce tract.
Qui est Cécile RilhaC ?
C’est la rapporteure du texte. Elle est membre de LREM et députée depuis 2017. C’est une ancienne professeure d’EPS puis principale adjointe d’un collège. En août 2018, elle a co-écrit le rapport Bazin-Malgras-Rilhac qui proposait de créer un nouveau corps de directrices et directeurs d’école recruté·e·s sur concours à qui seraient confiées des écoles de plus de 10 classes. Les autres seraient regroupées et confiées à la gestion des principales et principaux de collège. Cette idée sera reprise dans la Loi de la Confiance de M. Blanquer avant d’être retirée sous la pression de la rue et du Sénat. La voilà légèrement modifiée qui revient en force en 2021, le gouvernement profitant impudiquement d’une pseudo consultation suite au suicide de Christine Renon (directrice d’école mettant en cause ses conditions de travail) et en faisant croire que les directrices et directeurs souhaitent une supériorité hiérarchique sur leurs collègues.
Que dit le projet de loi ?
Le projet a circulé plusieurs fois entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Comme le texte n’est pas identique, il est actuellement débattu en Commission Mixte Paritaire avant d’être définitivement adopté d’ici la fin de l’année civile. Voilà où en sont les points que nous dénonçons dans ce texte (disponible en ligne sur le site de l’Assemblée nationale ou sur celui du Sénat) :
Article 1 : Le directeur d’école « bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige. Il dispose d’une autorité fonctionnelle dans le cadre des missions qui lui sont confiées ».
Article 2 : « Le directeur participe à l’encadrement et à la bonne organisation de l’enseignement du 1er degré. Il peut être chargé de missions de formation. L’ensemble de ces missions est défini à la suite d ‘un dialogue tenu tous les 2 ans avec l’inspection académique. » (…) « Le directeur administre l’école et en pilote le projet pédagogique.»
Vous pouvez lire l’évolution des articles ici : http://www.senat.fr/tableau-historique/ppl19-566.html
l’école primaire : un modèle insupportable pour les libéraux
C’était encore une exception dans la Fonction publique, l’école primaire se gérait collectivement en Conseil des Maître·sses, sans supérieur·e hiérarchique direct·e. Ces petites démocraties installées sur tout le territoire étaient insupportables à de nombreux libéraux. Dès 1986, le gouvernement d’alors avait essayé de mettre en place le statut de Maîtres-Directeurs. Face à la mobilisation massive des enseignant·e·s, l’État avait reculé. A l’époque, tout le corps enseignant rejetait cette mesure. Aujourd’hui, certains syndicats font croire que ce texte est une avancée pour les directrices et directeurs car cela leur octroierait des moyens supplémentaires… Rien n’est moins sûr, l’Assemblée nationale ayant par exemple fait modifier l’article 2 bis pour y écrire : « l’État et les communes (…) peuvent, (…) mettre à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de leur garantir l’assistance administrative et matérielle nécessaire ». « Peuvent », ce n’est pas « doivent »…
Qu’est-ce que ça changera pour nous ?
Si ce texte est adopté et appliqué, le directeur ou la directrice d’école devra appliquer et faire appliquer «les missions qui lui sont confiées ». Si ces missions restent pour le moment floues, on ne peut que s’inquiéter lorsque l’on lit les conclusions du Grenelle : une mesure phare envisagée était par exemple la possibilité d’évaluer les enseignant·e·s de l’école…
De plus, cette autorité étant déléguée par l’IEN, il lui sera possible de la retirer à tout moment, de quoi mettre davantage la pression sur les directrices et directeurs.
Du côté de la pratique professionnelle, le directeur ou la directrice devant piloter « le projet pédagogique » et en-même temps répondre de ses missions à l’IEN, faire classe comme on l’entend (méthodes, pédagogie) sera de plus en plus compliqué : si un·e IEN veut imposer telle méthode de lecture par exemple, on peut craindre que tous les outils coercitifs lui seront alors accessibles.
Pourtant, ni les enseignant·e·s adjoint·e·s, ni les directrices, ni les directeurs n’ont réclamé de telles mesures. Nous n’avons jamais demandé à avoir un échelon hiérarchique dans nos écoles, nous n’avons jamais demandé à être amputé d’une partie de notre fonctionnement collectif et démocratique.
La loi Rilhac, ce sera donc :
- aucune garantie d’avoir moins de travail administratif, ni d’obtenir une aide administrative ;
- aucune garantie d’avoir davantage de décharge pour les directrices et les directeurs ;
- l’instauration d’un·e chef·fe dans nos écoles, alors que l’écrasante majorité des directrices, directeurs, adjointes et adjoints est contre ;
- des moyens de pression supplémentaires pour appliquer la doxa libérale dans nos écoles.